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Noy et Gilbert en Thaïlande

L'histoire du "Laser Buddha" de Khao Chi Chan.

7 Février 2024 , Rédigé par Gilbert Publié dans #Histoire, #Tourisme-Découverte-Visites, #Bouddhisme-Croyances-Religions

 L'histoire du "Laser Buddha" de Khao Chi Chan.

 

 

Voici quand et comment a été réalisée :

Phra Bouddha Maha Vajira Uttamobhas Sasada
พระพุทธมหาวชิรอุตตโมภาสศาสดา

l'image de Bouddha gravée dans la roche 

à Khao Chi Chan.

Contrairement à une idée largement répandue (et colportée sur de nombreux sites internet, y compris sur Wikipedia !)...

 le laser n'a pas été utilisé pour découper la roche
et "incruster" l'image du Bouddha dans la montagne. 

Suvaḍḍhano

Après que le patriarche suprême Suvaḍḍhano (plus haute autorité bouddhiste de Thaïlande) ait sollicité le roi Rama IX pour sanctuariser la colline de Khao Chi Chan, celui-ci émis l'idée qu'une image de Bouddha soit dessinée sur la montagne en utilisant les technologies les plus modernes. 

Rama IX et son fils, le Prince Maha Vajiralongkorn

D'un point de vue technique, le projet a véritablement débuté en juin 1995 et fut placé sous la supervision du Prince héritier Maha Vajiralongkorn (devenu aujourd'hui le roi Rama X).

  • 1- Diagnostic géologique

La falaise avant le début du chantier.

Mesurant environ 170 mètres de haut et exposée au nord, la falaise de Khao Chi Chan est constituée de calcaire qui a été partiellement transformé par l'insertion de granit. Cela donne à la pierre des couleurs alternées grises et noire.

Le site de Khao Chi Chan étant une ancienne carrière, la force des dynamitages combinée à l'intrusion du granit, a provoqué la fissuration des roches de la falaise. Les failles et les courbes y sont nombreuses.

<<<< A ce stade des marines de la base navale de Sattahip ont dessiné pour la première fois une image du Bouddha sur la falaise.

Lors des premières discussions autour du projet, beaucoup de spécialistes (y compris étrangers) étaient sceptiques quant à sa faisabilité et/ou son coût exhorbitant...
Un appel d'offres fut lancé pour la réalisation des travaux, remporté par une société thailandaise (International Blaster Company) pour une enveloppe de 44 millions de bahts.

Néanmoins, de nombreuses questions restaient sans réponse...

Comment aplanir la falaise ? Comment effectuer les travaux sur la falaise ? Comment y suspendre des échafaudages ? Où trouvez des travailleurs expérimentés pour ces conditions de travail ?

 

Et surtout comment faire pour "incruster" le dessin de Bouddha sur la falaise... ?

L'état des rochers de la falaise n'étant pas bon, les options de sculpture en bas-relief ou en haut-relief furent abandonnées à la fois pour des soucis de sécurité, de coûts et de délais.
L'équipe de conception dirigée par des universitaires et géologues décida d'un "dessin linéaire" sur la paroi (cohérent avec la topographie de la falaise d'origine).

Compte tenu du danger de chutes de pierres, il était aussi nécessaire de construire un étang devant la falaise pour empêcher les visiteurs de trop s'en approcher.

Mais à ce stade, personne n'avait encore évoqué l'idée du "laser" !

  • 2- Travaux préparatoires (le "lissage" de la falaise)

 

Après que l'idée d'installer un ascenseur ait été rejetée (l'angle de la falaise ne le permettait pas), un échafaudage et un treuil électrique furent installés du côté ouest, permettant de transporter les personnes et les marchandises en haut de la falaise.
 

Le "top bench" tel qu’il existe encore aujourd’hui

Le travail d’ajustement de la paroi a été réalisé de haut en bas en commençant par la fabrication
<<<< d'un "banc supérieur", au-dessus de la future image de Bouddha.

Après que les ingénieurs géotechniciens aient inspecté et "cartographié" la géologie de la falaise, diverses charges explosives ont été positionnées et plusieurs techniques de dynamitage ont été mises en œuvre.

Les géologues en charge de ces travaux durent se suspendre contre la paroi, comme des alpinistes.

L’objectif était de lui donner une courbure régulière et une surface uniforme compatibles avec le dessin envisagé. Lors de cette opération 50 000 mètres cubes de roches furent évacués.

Enfin, pour améliorer la stabilité de la falaise, des techniques de projection de béton furent utilisées, des boulons d'ancrage et des barres d'armature furent installés (la longueur cumulée des boulons d'ancrage encastrés dans la falaise dépasse 3 kilomètres).

  • 3- L'utilisation du "laser"

Après le "lissage" de la falaise, les responsables du projet devaient définir la méthode pour dessiner l'image de Bouddha sur la paroi. L'un deux avait entendu parler d'un professeur à la Faculté d'Ingénierie de Thonburi qui "pouvait dessiner avec la lumière laser".


La réponse du Dr Pichet fut sans appel :

"Je ne peux pas le faire.
Le plus grand que j'ai jamais réalisé mesurait seulement 30 cm !".

Il avait utilisé pour cela un laser à lumière rouge à haut pouvoir de pénétration (CO2 Laser, utilisé en chirurgie), méthode impossible à transposer pour réaliser une image de plus d’une centaine de mètres de haut...

L'idée de sculpter la roche "au laser" fut donc rapidement abandonnée
mais le Dr Pichet accepta de participer au projet pour "créer une image de Bouddha sur la falaise".


Dans un premier temps, il fallait coupler un "laser-Argon" (du type de ceux que l'on voit briller lors des célébrations ou dans les discothèques en général) avec un scanner...
appareil encore très rare à l'époque en Thaïlande.

 

<<<< Par chance, il se trouva qu'à peine un mois auparavant, le Dr Pichet avait réceptionné un scanner. Il s'agissait s'un appareil destiné initialement à une discothèque de Hat Yai...
Son propriétaire (étranger) étant décédé, son épouse avait décidé d'en faire don à la Faculté de Thonburi (!).

 


En collaboration avec le National Electronics and Computer Technology Center, ce scanner fut assemblé avec un laser-Argon acheté à l'étranger afin de pouvoir projeter une image à une distance supérieure à 100 m.

 

<<<< Une fois le dispositif installé sur site et calé avec précision pour éviter toute déformation du dessin,

la projection pouvait se faire durant la nuit
(le laser n'était pas assez visible durant la journée)
 



Pendant plusieurs nuits d'affilée et à trois niveaux de la falaise
(au-dessus de la tête du Bouddha, dans la zone de la poitrine,
au niveau des genoux),...

des équipes, accrochées à des cordes, ont peint en blanc
les lignes dessinées par la lumière laser.

Des corrections étaient faites dans la journée pour s'assurer au mieux de la beauté et de la conformité de l'image peinte sur la paroi.

  • 4- L'inauguration, le 24 janvier 1996

L'étape suivante des travaux consistait à disposer une multitude de petites charges explosives afin de creuser des rainures dans la roche en suivant les lignes peintes sur la paroi.
Entre fin décembre 1995 et janvier 1996, les équipes sur site travaillèrent d'arrache-pied et le 24 janvier une cérémonie fut organisée en présence du Prince Maha Vajiralongkorn au cours de laquelle il déclencha lui-même symboliquement une série d'explosions.

Cette date du 24 janvier 1996 a été retenue comme étant l' "inauguration" officielle...
mais les travaux étaient loin d'être terminés sur le site.

Depuis le début, le chantier avait été placé sous l'autorité du Prince Maha Vajiralongkorn et de sa soeur, la Princesse Maha Chakri Sirindhorn (vice-présidente du comité exécutif)

 

Tous deux y faisaient des visites régulières et donnaient certaines indications, mais le roi lui-même s'y intéressait également de près.

<<<< Ainsi lors d'une inspection en hélicoptère, Rama IX indiqua que "Le visage du Bouddha n'est pas beau"... (et pour que le dessin soit modifié, les rainures correspondantes durent être modifiées).

  • 5- Le comblement des rainures et la pose de mosaïques dorées

Les rainures creusées à l'explosif (ajustées à 10 cm de profondeur et 30 à 50 cm de largeur) furent comblées avec du béton...


...puis recouvertes de mosaïque dorée afin d'obtenir une visibilité lointaine pour l'image dessinée sur la paroi (c'était une volonté exprimée par le roi Rama IX dès l'origine du projet).

En l'occurrence il s'agit de véritables mosaïques en or, venues d'Italie, du même type et produite dans la même usine que celles utilisées pour la restauration du Grand Palais et du Wat Phra Kaew à Bangkok.

Ces mosaïques sont encore parfaitement observables aujourd'hui.

  • 6- La pose des yeux du Bouddha (février 2000)

Les yeux du Bouddha sont constitués de 1678 pièces d'onyx noir (découpé en mosaïque).

Offert par un groupe de fidèles, ils furent installés le 20 février 2000, lors d'une cérémonie bouddhiste présidée par le Patriarche Suprême de Thaïlande.

  • 7- Les reliques enchâssées dans la poitrine du Bouddha (novembre 2001)

 

Afin de sanctuariser définitivement le site de Khao Chi Chan, les autorités bouddhistes décidèrent d'y enchâsser des reliques de Bouddha lors d'une cérémonie
tenue le 28 novembre 2001.

 

 

 

Les reliques offertes par le roi Rama IX, déposées dans un récipient en bois de teck doré, furent transportées le long d'un câble métallique jusqu'au niveau de la poitrine du Bouddha puis enchâssées dans la roche.


Cette cérémonie marquait l'achèvement de ce projet qui, depuis 1995, avait mobilisé plusieurs équipes de géologues, architectes, ingénieurs, ouvriers,...

Rebaptisée par certains "Laser Buddha",

cette représentation de Bouddha, désormais incrustée dans la falaise de Khao Chi Chan est l'une des plus grande répertoriées dans le monde.

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Les éléments contenus dans l’article ci-dessus sont tirés du récit rédigé par le Dr Decha Luangpitakchumphol qui fut l’un des acteurs de ce projet en tant qu’ingénieur géologue.

Voir le lien ci-dessous (en thaï) pour en avoir tous les détails :​​​​

Voir également :

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