histoire
23 octobre, jour férié en l'honneur du roi Rama V
Le 23 octobre est un jour férié en Thaïlande (comme c'est un dimanche cette année, on décale au 24 !).
Les thailandais honore la mémoire du roi Chulalongkorn (Rama V), qui est resté très populaire dans la population pour ses réformes et son esprit d'ouverture.
Il est le cinquième roi de la dynastie Chakri, fondée en 1782, et qui règne depuis cette date sur la Thaïlande
Après un règne de 42 ans, le roi Chulalongkorn mourut le 23 octobre 1910 après avoir eu 77 enfants de ses 36 épouses. Il est le grand-père du roi Rama IX, récemment décédé. Il est né à Bangkok le 20 septembre 1853.
Continuant sur l'impulsion donnée par son père, Chulalongkorn a été le grand modernisateur du royaume de Siam. Il fut le premier roi à entreprendre des voyages à l'étranger, à Singapour, en Inde et en Europe, il fut reçu deux fois en France, en 1897 et 1903.
Inspirée par les idées qu'il ramena de ces voyages, son action a été fondamentale dans tous les domaines.
Le roi Rama V a également évité la colonisation de son pays et résisté à la pression de la France et de l'Angleterre, même s'il dut céder une partie du Siam à ces deux puissances colonisatrices.
Durant son règne (1868-1910), il a entrepris des réformes dans les domaines de l'administration, de l'économie, de l'éducation, de la science, qui ont transformé la société traditionnelle et posé les fondations d'un Etat moderne.
Citons :
- l'organisation des services postaux (1885),
- des chemins de fer (1893).
- l'introduction des billets de banque (1902)
- l'adoption du système décimal imposé (1908).
On lui doit la mise en place d'une administration centralisée sur le mode occidental.
Le souverain s'est notamment distingué par l'abolition de l'esclavage.
Après trente années d'efforts, il a obtenu gain de cause auprès des propriétaires d'esclaves : l'esclavage a été aboli en Thaïlande en 1905.
Son effigie figure encore aujourd'hui sur les billets de 100 bahts, au verso du portrait de l'actuel monarque sur un billet émis en 2005 pour les cents ans de l'abolition de l'esclavage.
Il fonda la première université, la première école d'administration, école militaire et école navale.
Aujourd'hui Chulalongkorn est aussi le nom de l'université la plus prestigieuse de Bangkok. Elle compte maintenant dix-huit facultés et plusieurs écoles et instituts. Considérée comme la meilleure et la plus sélective de Thaïlande, elle attire logiquement les meilleurs étudiants.
Pour mener à bien toutes ces réformes et innovations, il s'entoura d'experts étrangers et de conseillers venant des pays occidentaux. Les coutumes et vêtements occidentaux furent pour la première fois introduits dans le royaume.
Le roi Chulalongkorn a été très aimé de son peuple de son vivant, sous son règne ses sujets ont bénéficié de nombreuses mesures sociales, et d'un essor économique spectaculaire.
Il est l'objet encore aujourd'hui d'un culte actif. De très nombreuses maisons thaïes sont ornées de son portrait, des prières lui sont adressées et des statues à son effigie sont érigées en de nombreux endroits du pays.
En cette période de deuil national, les célébrations du 23 octobre associeront le Roi Bhumibol (Rama IX), récemment décédé, à son aïeul Rama V.
- Le pays libre - / Thailande ou Siam ? (2)
Je vous ai expliqué précédement que la Thaïlande ne portait ce nom que depuis 1939.
Pourtant, historiquement, le nom de Siam ne fut pas donné à ce pays par ses habitants...
Le pays fut appelé officiellement "Siam" seulement de 1851 à 1868 sous le règne du roi Mongkut qui signait "rex siamensium" ou "rex siamensis" mais, au quotidien, les Siamois n’ont jamais appelé leur pays le Siam.
Aux 17e et 18e siècles, plusieurs chroniqueurs et explorateurs de l'Asie indiquent que le nom de Siam est inconnu des Siamois. C’est un mot dont les Portugais des Indes se servent et dont on a de la peine à découvrir l’origine. Il voudrait dire "libre" dans la langue des Péguans (peuple voisin des Thais à l'époque).
Plusieurs ouvrages et dictionnaires du 19e siècle et début du 20e, indiquent que le pays que les européens nomment Siam s’appelle Muang Thaï et que son ancien nom était Sajam (race brune) d’où vient le nom de Siam…
Quoi qu'il en soit, lesThais ne reconnaissent pas le nom de Siam ou Sîm que les Européens donnent à leur pays et qui a presque complètement effacé pour les Européens la dénomination nationale…
Les siamois se sont donnés le nom de Thaï, c’est-à-dire "libres", selon ce que ce mot signifie dans leur langue, de là vient que le pays est appelé Muang Tay, "le royaume des francs".
En fait, l'origine du mot Thai est sujet à controverse.
Le mot "Siam" ou "Syam", aurait été abandonné au profit du mot "Thai", lorsque le pays s’est affranchi du joug des Cambodgiens sous le règne du roi Phra Ruang en l’an 1000 de l’ère bouddhiste (1543). "Thai" étant traduit par libre ou liberté, certains pensent que, par liberté, les Siamois ont sans doute voulu entendre leur séparation d'avec la nation qui habite le Laos…
Vers 1600, sous le règne de Naresuan, le royaume d'Ayuthaya est à l'apogée de son expansion et de sa puissance.
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Notons que le royaume d’Ayuthaya qui domina le pays pendant quatre siècles, jusqu’à sa chute en 1767 porte un nom significatif. "Ayuta" en sanscrit signifie aussi "libre" et "Ayuddha" signifie "Invincible".
Par la suite la taille du royaume de Siam a beaucoup varié au gré des invasions, des guerres, et de l'expansion colonisatrice de la France et de l'Angleterre.
Evolution du Royaume de Siam de 1800 à 1930
Les « Siamois » appelaient donc leur pays « muang thaï »…
…comment le traduire ?
«Thaï» est tout d’abord un adjectif (et non un nom), qui signifie «libre».
Le «Muang» c’est un royaume, une ville, une région, une province. Idem pour le mot «Prathet» qui sera utilisé à partir de 1939. (Le Dictionnaire de l’Académie royale donne ces deux mots comme synonymes).
Dans ce contexte, «Muang thai» c’est tout simplement le «pays libre»
(et non pas "des hommes libres" qui se traduirait par "khon thai", l’adjectif suivant le nom comme le veut la grammaire thaïe. Il peut y avoir des esclaves dans un pays libre !)
Il semble donc clair que pour les thaïs, leur pays était "le pays libre" et non le "Siam", mot de pure importation, néanmoins utilisé avec le monde extérieur via les Portugais et repris par les Thaïs par mimétisme.
Exemples d'utilisation de l'imagerie du Siam au début du XXe siècle
Lorqu'en 1939, le Premier Ministre Phibun décide de changer le nom du pays, il vient de s'affranchir à grand peine d’un régime de colonisation larvée issue des traités inégaux accordant aux étrangers des privilèges exorbitants, judiciaires et fiscaux.
Il a fallu abandonner à la France et l’Angleterre des pans entiers de territoires historiquement thaïs pour qu’ils renoncent à cette sournoise colonisation.
Or, le mot "Syam" (ou Siam), jamais utilisé à l’intérieur du pays comme nous venons de le voir, provient ou proviendrait du mot sanscrit "syama" qui signifie "noir, brun, sombre, de couleur foncée en parlant de la peau" avec un sens péjoratif.
On peut donc comprendre sans trop de difficultés que le gouvernement nationaliste de Phibun ait souhaité effacer ce terme, à la fois dévalorisant et venu de l’étranger.
Reste que ce pays s’appelle désormais "le pays libre", et c’est le plus beau nom qui soit pour un pays.
Il n’y en a que deux autres dans le monde...
- la France... (quoi qu'on en pense parfois)...
- et le Libéria... (qui ne l’a malheureusement jamais vraiment mérité).
Le roi de Thaïlande est mort
Aujourd'hui 13 octobre 2016 marque donc la fin du règne de Bhumibol Adulyadej, Rama IX.
Son décès n'est pas vraiment une surprise puisqu'il était malade depuis plusieurs années et qu'il n'était pas apparu en public depuis plus d'un an.
Il aurait eu 89 ans le 5 décembre prochain et son état s'était particulièrement aggravé ces derniers jours.
Son règne a duré 70 ans (il était le plus ancien dirigeant en fonction dans le monde) et donc l'immense majorité des thailandais n'ont pas connu d'autre Roi que lui.
Il jouissait d'un immense prestige auprès des thailandais et était pour tous le symbole de l'unité du pays.
Il avait parfaitement assumé ce role dans l'histoire récente de la Thailande (1992, 2006, 2010) en évitant que certaines situations particulièrement tendues ne dégénèrent en guerre civile. Même si ses choix ont pu etre critiqués par certains observateurs étrangers, ils n'ont jamais soulevé de fortes contestations parmi le peuple thailandais.
La personne du Roi était présente dans la vie de tous les Thaïlandais, chaque jour et partout, avec des portraits à tous les coins de rue, dans les écoles, les magasins et quasiment dans toutes les maisons.
A n'en pas douter, les cérémonies, le deuil, les hommages vont être très nombreux et durer plusieurs mois.
Dès aujourd'hui, toutes les chaines de télévision sans exception diffusent le même programme en hommage au Roi, les interventions du Premier Ministre, les images de l'Assemblée Nationale sont diffusées en noir et blanc… Les sites web des journaux sont également en noir et blanc...
Cela pourra paraître excessif vu d' Europe mais je pense que l'attachement et la dévotion des thaïlandais envers leur Roi est juste impossible à comprendre pour les occidentaux, sans doute encore plus pour nous français qui avons guillotiné Louis XVI !
Au-delà du deuil national, tous les thaïlandais sont aujourd'hui sincèrement tristes d'avoir perdu leur "papa" et aussi inquiets de ce qu'il peut advenir de la monarchie thailandaise.
Thailande ou Siam ?
Dans l'imaginaire occidental le
"Royaume de Siam"
correspond à une image ancienne, un peu surannée, parfois romantique, caricaturée par Yul Brynner ("Le roi et moi") et bien éloignée de la Thailande utra-moderne d'aujourd'hui.
Pourtant Siam et Thaïlande sont bien un seul et même pays.
Ce changement de nom est intervenu précisément en 1939 au cours d'une période pas forcément très glorieuse de l'histoire de ce pays...
Le 24 juin 1932, une révolution de palais, qui dura 3 heures, met fin à la monarchie absolue.
La "révolution de 1932", comme elle est nommée, est une transition sans effusion de sang, menée par un groupe d’une centaine de personnes, le "parti du peuple", composé à part égale d’officiers et de civils.
Elle aboutira en mars 1935 à l'abdication du roi Rama VII.
7 ans plus tard, le 24 Juin 1939, le général Phibun Songkhram Luang, 42 ans, qui avait été nommé premier ministre six mois auparavant, a déclaré que le nom du pays devait changer de Siam (Prathet Syam) à Thaïlande (Prathet Thai).
A l'appui de sa décision, Phibun faisait valoir que le Siam est une transcription du nom donné au peuple thaï par les Cambodgiens (au XIIIe siècle, les Khmers occupaient le pays avant que les communautés thaïes ne s'unifient et ne créent le royaume de Sukhothai).
"Puisque le peuple thaïlandais est plutôt enclin à appeler le pays Thaï, le gouvernement estime que le nom du pays doit être en conformité avec le nom de la race et de la nyom [inclinaison] de la population thaïlandaise."
En fait Phibun est un admirateur de Mussolini. Il fait arrêter 40 opposants politiques en 1939, monarchistes aussi bien que démocrates. Après une parodie de procès, 18 d'entre eux seront exécutés. La perception des sympathies fascistes de Phibun Songkhram, provient aussi en partie du fait qu'il a signé un pacte de coopération avec les Japonais et a déclaré la guerre aux États-Unis et la Grande-Bretagne en 1942.
Dans ce contexte, le changement de nom du pays sous-entendait une unité de tous les peuples de langue thaï, ce qui incluait les Lao du Laos et les Shan de Birmanie, mais excluait les Chinois.
Le slogan du régime est d'ailleurs "la Thaïlande aux Thais".
Un autre argument est étymologique, le mot thai signifiant également "libre".
Le Prathet Thai, "pays des (hommes) Libres" ou Thaïlande reposait désormais sur la notion de "peuple thaï", qui reléguait les minorités en "non-thaïes" ou "moins thaïes" et qui marginalisait les élites indiennes et chinoises.
A l'origine du changement de nom, se trouve
Luang Wichitwathakan
l'idéologue du groupe des conspirateurs de 1932.
Engagé au coté de Phibun, il mena des campagnes ultra-nationalistes visant à renforcer l'identité thaï et clairement inspiré des thèses fascistes. Le régime adopta également une politique nationaliste en matière économique, en menant une politique de quotas visant à réduire la place des produits chinois en Thaïlande, et à favoriser les produits locaux.
Dans un discours de 1938, Luang Wichitwathakan compara les Chinois du Siam aux Juifs d'Allemagne.
Durant la seconde guerre mondiale, en tant que ministre des affaires étrangères, il rangea la Thailande au coté des Japonais et il eut une attitude pour le moins complaisante.
Avec les revers successifs du Japon, Phibun est contraint de démissionner.
À la fin de la guerre, les Alliés le jugent pour crimes de guerre et collaboration avec l'ennemi. Mais l'opinion publique, qui lui est favorable, amène à l'arrêt des poursuites.
Il redevient premier ministre en avril 1948, jusqu'en 1957.
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Les instigateurs du coup d'état de 1932 se sont connus alors qu'ils séjournaient en France.
Le "Parti du Peuple" (Khana Ratsadon) fut fondé par 7 étudiants en 1927, dans un hotel du Ve arrondissement de Paris.
Certains étaient en école militaire (Phibun étudiait l'artillerie, Thatsanai la cavalerie) d'autres étudiaient le droit (Pridi Phanomyong à la Sorbonne, Naep Phahonyothin en Angleterre).
Luang Wichitwathakan, quant à lui, était diplomate à l'ambassade de Thaïlande à Paris et participa aux sessions de la Société des Nations à Genève. Durant son séjour à Paris, il épousa sa professeur de français, Lucienne Laffitte, qui le suivit au Siam et collabora avec lui sur plusieurs publications historiques. Ils divorcèrent en 1933.
En 1939, en tant que président du Comité Parlementaire qui proposa le changement de nom du pays, Luang Wichitwathakan s'appuya sur une carte produite par l' Ecole Francaise d'Extreme Orient. A partir de cette carte, montrant que les Thais habitaient les régions du Siam, de Birmanie et du Sud de la Chine., il estima qu'environ 60 millions de Thais habitaient les régions du sud-est asiatique, justifiant ainsi sur le plan historique, sa croisade nationaliste.
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Voir également :