Le pilier qui pleure...
Voici une histoire comme les thaïs les adorent : "Sao Ronghai" (le pilier qui pleure).
En 1782, lors de l’intronisation de Bangkok comme capitale du Siam par le roi Rama 1er (voir http://lopezthai.over-blog.com/2017/06/28-juillet-jour-ferie.html), toutes les provinces du royaume furent mises à contribution.
Les habitants de la région de Saraburi coupèrent et préparèrent un très grand arbre en bois de fer qui ferait le plus beau pilier pour les fondations de la ville.
Il fut expédié jusqu’à Bangkok par le fleuve mais lorsqu’il arriva, le choix des principaux piliers des fondations de la nouvelle capitale avait déjà été fait…
Au grand dam des habitants de Saraburi, leur pilier fut donc "recalé".
L’histoire aurait pu s’arréter là mais la légende s’en empara…
L’esprit qui "habitait" le pilier (son ange-gardien »), au comble du désespoir, décida de remonter le fleuve à contre-courant pour retourner à son lieu d’origine.
Finalement il se « noya » dans les profondeurs de la rivière แม่น้ำป่าสัก (prononcez Maenam Pa Sak) où il resta pendant plus de 100 ans.
Ce n’est qu’en 1958, qu’une femme du village de Sao Hai (เสาไห้), à environ 20 km de Saraburi, réputée pour ses dons de médium, entendit à plusieurs reprises dans son sommeil les cris et les gémissements d’une voix de femme qui prétendait être l’esprit du pilier enfoui.
Elle mobilisa son mari, ses amis et les villageois autour d’elle pour aller sonder la rivière… ce qui fut fait.
Sorti de l’eau, nettoyé, réhabilité, le "pilier qui pleure" fut transporté dans l’enceinte du temple local le Wat Sung précisément le 23 avril 1958.
Ce fut l’occasion d’une immense cérémonie à laquelle assistèrent plus de 30 000 personnes.
Dès lors, les villageois puis beaucoup d’autres visiteurs vouèrent un culte fervent à cet esprit/ange-gardien, dénommé
นางตะเคียน (Nang Takian)
dans les légendes traditionnelles.
En 1987, un bâtiment fut construit spécialement pour l’abriter. Le pilier en bois de fer long de 13 metres y est toujours, scellé dans un coffrage en ciment.
Etant définitivement identifié comme un esprit féminin (d’autres témoins prétendirent l’entendre gémir dans la nuit), les offrandes au « pilier qui pleure » ne sauraient être que des accessoires féminins…
Dans le bâtiment qui lui est consacré, s’entassent des mannequins, des robes, des bijoux, des armoires de vêtements, des coiffeuses, des miroirs, des accessoires de maquillage, du parfum, des perruques,…
Bien sur, on y trouve aussi des offrandes bouddhistes plus traditionnelles (colliers de fleurs, encens, bougies, feuilles d’or).
L’expression เสาร้องไห้ , prononcez "Sao Ronghai" signifie littéralement "le pilier qui pleure" :
- เสา prononcez "Sao" = pilier
- ร้องไห้ prononcez "Ronghai" = pleurer
C’est aussi en référence à cette légende que le village où il est installé a pris le nom (tronqué) de Sao Hai…